Bonjour, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? (parcours, centres d’intérêt)
Pourquoi avez-vous choisi la France pour poursuivre vos études ?
Que vous apporte la formation que vous suivez en France ? (ex : compétences, méthodologies…)
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Je m’appele Waed Awesat, je suis Palestinienne de la ville de Jérusalem. Tout d’abord, j’ai commencé mes études à l’Université de Birzeit par une licence d’histoire et archéologie. Dans le cadre de cette spécialité, j’ai été amenée à participer à des fouilles archéologiques. La monnaie a alors suscité mon intérêt comme source historique et archéologique. J’ai par ailleurs eu l’occasion d’étudier les monnaies de fouilles du chantier de Kherbit Saya en Palestine sous la direction des archéologues français qui travaillaient en coopération avec mon université à savoir Jean Sylvain Caillou et Gaëlle Thévenin.
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Mes études à Birzeit et le résultat de cette coopération avec des spécialistes Français, m’ont permis de rencontrer des chercheurs qui ont marqué mon parcours : Monsieur François Villeneuve (Professeur d’archéologie à l’Université Paris 1) et Madame Frédérique Duyrat (Directrice du département des Monnaies, médailles et antiques de la BNF). Grâce à eux, j’ai bénéficié d’une bourse du Consulat général de France à Jérusalem pour poursuivre mes études supérieures approfondies en archéologie et numismatique antique, ce dont j’ai été honorée, d’autant plus que ce domaine fondamental pour l’histoire et l’archéologie est inexistant en Palestine. Je n’aurais donc pas pu mener ma recherche sans cette coopération.
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Au cours des deux années de master sous la direction de Madame Duyrat et Monsieur Villeneuve, j’ai approfondi mes recherches en numismatique et sur l’histoire ancienne du Proche-Orient, ce qui m’a amenée à ce sujet sur l’histoire et la monnaie de la ville de Tyr. Très riche grâce à son emplacement sur les routes commerciales importantes dans le monde méditerranéen antique et à la puissance de sa flotte, Tyr a joué un grand rôle dans la vie politique et économique de la région et a bâti des liens entre l’Orient et l’Occident. L’étude de la ville était donc très prometteuse, Tyr n’ayant par ailleurs pas fait l’objet d’une monographie récente.
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J’ai pu me consacrer à ce travail grâce à une deuxième bourse du consulat général de France à Jérusalem et au soutien de Madame Frédérique Duyrat qui a accepté généreusement de diriger ma thèse. J’ai choisi d’étendre ma recherche sur Tyr de la fin de période perse jusqu’à la fin de la période hellénistique pour mieux comprendre toutes les dynamiques qui étaient derrière le développement du monnayage de cette ville.
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La première étape de ce travail a consisté en la création du corpus monétaire inédit qui a nécessité l’exploitation de plusieurs sources : les collections publiques en ligne (de Londres et de New York), l’étude directe des fonds de la BNF et de l’Israel Antiquities Authority. J’ai également dépouillé 16 000 catalogues de vente imprimés au département des Monnaies, médailles et antiques de la BNF, ainsi que les catalogues publiés d’autres collections comme les Sylloge Nummorum Graecorum) et les monnaies des ventes en ligne sur les sites de Coin Archives et CNG.
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Les données rassemblées se composent de 8160 monnaies en or, argent et bronze, traitées sur ma base de données Filemaker et ensuite présentées dans le catalogue de ma thèse.
En plus du catalogue de monnaies, un deuxième catalogue est consacré aux trésors monétaires. Un troisième rassemble les informations sur les monnaies de fouilles par site archéologique. Ces documents donnent des informations sur la circulation monétaire de Tyr, et constituent des sources d’information sur la politique et l’économie de cette ville, ainsi que sur les sites où les monnaies qu’elle a émises ont été trouvées. A travers ces études on remarque la présence énorme de monnaies tyriennes en Palestine.
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Une fois toutes ces données rassemblées, j’ai commencé la deuxième étape qui a consisté en un traitement technique des monnaies pour étudier la validité des échantillons rassemblés, la métrologie et la production monétaire. Ces éléments techniques sont ensuite exploités dans les chapitres d’analyse historique, période par période. Les statistiques jouent également un rôle important dans ma recherche car elles offrent de nouvelles perspectives sur l’évolution historique et le rôle de la cité pendant les périodes étudiées. Par exemple, du fait du manque de sources archéologiques et textuelles sur Tyr pour certaines périodes, la production monétaire est la seule source abondante sur son rôle politique. Elle offre par ailleurs une continuité chronologique que ni l’archéologie ni les textes ne permettent.
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Mon travail sur cette ville ancienne qui s’appuie sur des travaux archéologiques et littéraires préexistants, ouvre la possibilité de compléter une large partie méconnue de son histoire grâce à une source abondante et fertile. Ainsi, durant la période couverte par cette étude, du Ve s. av. J.-C. jusqu’au Ier s. ap. J.-C., les monnaies de Tyr nous permettent de comprendre la transition d’une période historique à une autre et d’un règne à un autre à car elles sont datées annuellement et même semestriellement.
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L’objectif de cette thèse est d’apporter des lectures nouvelles de l’histoire de Tyr et de questionner son rôle dans l’histoire méditerranéenne grâce à l’étude du corpus monétaire. J’ai en effet voulu montrer comment cette source particulière qu’est la monnaie par rapport aux autres sources d’information, permet aux chercheurs de reconstituer une histoire de la cité durant cinq siècles.
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Avez-vous été agréablement surprise ? Avez-vous une expérience à partager ?
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J’ai été agréablement surprise par la liberté dont les femmes jouissent en France. Elles ont travaillé et travaillent toujours dur pour l’acquérir. En plus, j’apprécie la liberté de circulation, il n’y a pas de check points ! Professionnellement, en tant qu’archéologue et historienne, être en France et surtout à Paris est pour moi une vraie richesse : je n’aurai jamais le temps de visiter tous les musées, toutes les expositions, toutes les bibliothèques !
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Quel est votre plat français préféré ?
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Le mélange des cultures dans ce pays m’est d’une vraie richesse, je veux en profiter au maximum. L’une de mes méthodes préférées est la nourriture. A Paris j’ai essayé toutes les cuisines du monde, bien sûr, beaucoup de plats français. Ce que je préfère ce sont les tartes et les galettes salées, j’aime le fromage (raclette et fondue). J’aime aussi la pâtisserie française.
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Quelles sont vos ambitions pour le futur ?
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Mes ambitions futures sont de poursuivre mes recherches et de publier ma thèse de doctorat. Je souhaite transférer ce que j’ai appris en France mon master et doctorat, à travers mon futur emploi et mes futures publications.