Ali Abu Yaseen

Ali Abu Yaseen

French below

Ali Abu Yaseen is a Palestinian actor and director start his in 1990 as an actor then he direct hi first play the Clown in 1994 . Ali start doing TV drama in the last years in the 1990s he received his first best actor award in Tunisia festival 2004 on his one man show Abu Arab he directed and worked on the text in Gaza monologue  play 2010 he works also as manger in Palestine national TV his last and most well known the one man show The photographer Ali directed and act in more than 40 plays and 5 TV show.


Ali Abu Yaseen est un acteur et metteur en scène palestinien. Il a commencé sa carrière en 1990 en tant qu’acteur avant de dirigé sa première pièce “Le Clown” en 1994. Ali commence à jouer dans ses séries télévisées à la fin des année 1990. Il reçoit le prix du meilleur acteur au festival de Tunisie en 2004 pour son seul en scène “Abu Arab”. Il travaille et met en scène en 2010 le monologue “Gaza” et travaille en parallèle sur Palestine TV. Son dernier seul en scène “Le photographe” a été joué plus de 40 fois et retransmis à la télévision.

Théâtre – Monodrame

Expert économique et politique

Acte I

Personnages

    • ABU SAKHER

    • OM SAKHER, sa femme

    • ABU REBHI, son beau-frère

Abu Sakher est assis seul dans sa maison, assailli par des pensées et sentiments différents. Il est tendu et effrayé. Soudain, il prend son téléphone portable et appelle sa femme, alors en visite chez son frère, avec ses six enfants.

ABU SAKHER

Allô Om Sakher, comment ça va ? Vous me manquez toi et les enfants. Vous êtes heureux chez ton frère ? (Son visage change.)

J’ai de la fièvre moi ? Ce n’est pas normal ce que je dis ? OK, tais-toi. Tout ça parce que je t’ai dit que tu me manquais ?! Ne dis rien et écoute moi. Non, non je ne veux pas que tu rentres maintenant. Je vais dire quelque chose d’important et de dangereux. Non, je ne me suis pas remarié, je ne trouve pas de quoi me remarier. Allez, sois sage et écoute-moi.

Ma sœur qui habite à Rafah est venue me rendre visite. (Il répond à sa femme.) Je ne sais pas comment elle s’est souvenue de moi, cela fait deux ans qu’elle n’est pas venue, il se peut que je lui manque ! Enfin, s’il te plaît tais-toi et laisse-moi t’expliquer, sinon je vais jeter ce portable par terre !

Une personne contaminée par le coronavirus est rentrée d’Égypte, elle a fréquenté ma sœur. Les services de la sécurité sanitaire ont fait leur enquête et ont découvert qu’elle a, entre autres, fréquenté ma sœur. (Il s’adresse à sa femme : ) Maudit sois ta tête rance. Fréquenter veut dire saluer, parler avec. Rendre visite à son mari, ce n’est pas … Ouf ouf.

Les services de sécurité sanitaire ont su que ma sœur est venue me rendre visite au camp de Shati. Ils sont arrivés chez-moi, habillés comme des astronautes ! Ils l’ont emmené en confinement à Rafah, et m’ont demandé de me confiner chez moi. Eh oui, je suis confiné, je ne peux pas sortir de la maison pendant 14 jours. Ils me soupçonnent d’être contaminé. Il faut attendre les résultats du test, après quoi, soit ils renouvellent la durée du confinement, soit ils me laissent tranquille.

Oui, c’est vrai, comme quelqu’un qui est en détention administrative. Bravo, tu commences à comprendre ! En résumé, ils ont insisté pour que je ne fréquente personne. Donc tu dois rester avec les enfants chez ton frère jusqu’aux résultats du test. J’espère que je ne suis pas contaminé. Arrête de pleurer Om Sakher, tu me fais mal au cœur, laisse-moi parler à ton frère.

Le frère, Abu Rebhi prend le téléphone.

Que Dieu te bénisse Abu Rebhi. Félicitations ? Mabrouk ? Pourquoi tu me félicites ? Pour la catastrophe qui m’est tombée sur la tête ? (Il écoute.) Mais je suis un vieil homme, j’ai entendu dire que le coronavirus tue les vieux hommes. (Il écoute puis dit) Oui j’ai entendu parler des deux vieux arrivés du Pakistan, les deux premiers contaminés à Gaza. Oui, oui, je sais, ils sont restés en vie et sans conséquences particulières du virus sur leur état de santé. Mais ce sont des hommes habitués à manger des œufs et des poulets. Alors que moi je suis faible, j’ai peur que ce corona ne me tue.

Oui je t’écoute. Des coupons, des aides ? Je vais devenir riche ?! Tu es sur de ce que tu dis Abu Rebhi ? Les personnes contaminées par le coronavirus sont submergées de coupons et d’aides, est-ce vrai ? Enfin la vie va me sourire. Quelle bonne nouvelle ? T’inquiète ! Je transférerai les aides chez toi. Je donnerai ton adresse. Le plus important est que tu fasses attention à ma femme et aux enfants. Oh, je n’ai plus de crédit sur mon téléphone : il me reste une minute… Recharge-le pour moi s’il te plaît. Je te rembourserai, ne t’inquiète pas.

Le téléphone coupe.

ABU SAKHER, très content.

La vie me sourit. Merci ma chère sœur, je vais recevoir beaucoup d’aides. (Il danse. ) Je suis riche. « Abu Sakher Fi Al-Hajer » (Abu Sakher en confinement), ça rime… C’est un beau titre pour un film…

Acte II

Personnages

    • ABU SAKHER

    • Des enfants

    • ABU HASSAN

    • Interlocuteur inconnu

ABU SAKHER

Ce qui m’est arrivé ressemble à un film. Ma vie a été bouleversée en quelques minutes. Je ne comprend plus rien. Est-ce possible que je devienne riche ?

Oh, ça ne t’arrivera jamais. Arrête ton pessimisme. Dieu peut casser un chameau pour le dîner d’un chacal (proverbe), Dieu soit loué.

On entend des voix d’enfants qui viennent de la rue. La fenêtre d’Abu Sakher donne sur la rue et est très basse, au point que les passants peuvent voir à l’intérieur facilement. Les enfants crient.

DES ENFANTS

Oh Abu Sakher de Corona, vas-t’en d’ici !

Oh Abu Sakher le malade, collaborateur des américains !

ABU SAKHER, réplique à haute voix :

Que Dieu maudisse votre diable ! Dégagez d’ici et allez jouer plus loin. Le service de la santé préventive m’a demandé de garder une distance de trois mètres minimum avec les gens. Au fait, ce que vous dites rime bien et ça peut faire l’objet d’une chanson.

Il prend son Oud, et commence à jouer et chanter.

Oh Abu Sakher de Corona, vas t’en d’ici

Ç’est plutôt bien, il faut juste rajouter un couplet

On entend la voix de son voisin, Abu Hassan, crier sur les enfants, qui partent aussitôt.

ABU HASSAN

Allez, éloignez-vous, c’est dangereux de rester ici. Que Dieu te guérisse, Abu Sakher.

ABU SAKHER

Merci, Abu Hassan.

Le portable d’Abu Sakher sonne.

Comment tu l’as su ? Merci, j’attends le résultat du test et je dois observer un confinement de 14 jours, qui peut être prolongé. Merci Habibi, au revoir.

Il ne sait pas qui l’a appelé ! Il éteint le portable et attend.

Ah ! Il se peut que ça soit le service des coupons alimentaires qui m’appelle.

Il répond au portable.

Que Dieu te garde, comment tu l’as su ?

C’est sur Facebook ?! Toute la ville sait que j’ai le Coronavirus. Bien, c’est bien … Mais qui tu es ?

(Il murmure tout seul) C’est quelle banque que j’ai oubliée déjà, Arabe ou Palestine ? Le soutien est arrivé ! (S’adressant à son interlocuteur) Ah, quand on était en sixième, tu t’asseyais sur le banc derrière moi ! Ecoute, il y’a quelqu’un qui appelle … (En arabe on prononce les deux mots de la même façon : bank= banc)

Il éteint, le portable sonne puis s’arrête, puis sonne plusieurs fois. Enfin il répond, en colère.

Que Dieu te garde, je suis confiné, ils m’ont fait un test et j’attends le résultat (il rappelle),

ils peuvent prolonger. (Puis, il éteint le portable.)

Qu’est-ce que c’est que ce bled ! Si quelqu’un éternue à Rafah, on lui dit « à tes souhaits » à Beit Hanoun ! Ça c’était avant le corona, maintenant si quelqu’un éternue, sauve qui peut !

J’ai mal à la tête, mais il se peut que le service des coupons alimentaires appelle. Tu ne penses qu’à ça. Sois sérieux Abu Sakher, il se peut que tu sois réellement contaminé. Si c’est vrai, je ne résisterai pas, ils disent que c’est très dangereux pour les personnes âgées. Ay ! Le corona peut les tuer en deux jours ! Je ne suis pas si âgé, je n’ai pas atteint la soixantaine. Il s’agit des personnes qui dépassent la soixantaine. En plus je ne suis pas malade. Un peu d’allergie et de toux qui me reviennent de temps en temps, mais moi je vais très bien. Quoi ? Tu vas bien ? Tais-toi !

Je ne vais pas me taire, cela ne fait que quelques heures que j’ai appris la nouvelle, et j’ai déjà commencé à me parler à moi-même. Vas écouter quelque chose à la radio ! (Il allume la radio et écoute le speaker parler d’aides aux peuple palestinien à cause de la pandémie du Corona. ) Le Qatar a donné 150 millions de dollars pour la bande de Gaza à cause de la pandémie du Corona, pour soutenir les personnes touchées. C’est moi les personnes touchées ! (Il engage un calcul dans sa tête. ) Il y a combien de personnes contaminées à Gaza, 10 ? Disons 15. 150 millions divisés par 15 donc 10 millions pour chacun, tu vas même pouvoir jouer avec cet argent, Abu Sakher. Mais non, c’est trop, il y a des gens qui n’ont pas de quoi manger, je vais faire des dons pour les pauvres. Eh ! Tu commences à gaspiller l’argent dès maintenant ? Je n’ai pas encore calculé ce qui va me revenir de l’Union européenne, des autres pays arabes, des pays asiatiques et du monde entier.

Il faut que je réponde au portable.

C’est son beau-frère, Abu Rebhi.

Quoi Abu Rebhi ? Tu veux venir me voir en urgence ? Non Habibi, tu ne viens pas, je ne viens pas ! Dis-moi ce que tu veux via le portable, tu sais que c’est interdit de recevoir quiconque.

(Il murmure tout seul) Ha ! Il pense que je suis un idiot, il veut qu’on soit 16 personnes à être infectées, et au lieu de gagner dix, je ne gagnerai que neuf !

Acte III

Personnages

  • ABU SAKHER
  • ABU REBHI
  • LE LIVREUR
  • L’ANIMATEUR RADIO

ABU SAKHER

Qu’est-ce qui est si important Abu Rebhi ? Dis-moi (il écoute) Ma femme veut te donner le grain pour les poules afin que tu leur donnes à manger parque qu’elle a peur que je les contamine ? Elle a peur pour les poules, et n’a pas peur pour toi. (Il écoute) Je sais que nous n’avons rien d’autre, c’est grâce à elles que les enfants trouvent de quoi manger au petit déjeuner. Dis-lui, il ne faut pas avoir peur pour les poules. Puis on ne sait pas encore si je suis vraiment contaminé par le coronavirus ou non. Si vous appelez pour les poules, ce n’est plus la peine (il raccroche).

Nous pouvons entendre l’arrivée de quelqu’un depuis la fenêtre qui donne sur la rue

LE LIVREUR

Patient Abu Sakher ! Ton déjeuner et ton diner sont sur la fenêtre

Abu Sakher s’en va et trouve un grand carton plein de nourriture, de fruits et de gâteaux. Il mange rarement ces choses comme ça. Il ouvre le carton étonné.

ABU SAKHER

C’est la première fois qu’ils tiennent à leur promesse, ils ont dit qu’ils allaient me ramener des repas et ils le font vraiment.

Mais j’ai oublié leur nom (il essaye de se rappeler) La santé ou le comité du Corona. Ils s’appellent peut être : « Le corona est là donc nous sommes là ». (Il vérifie le carton) Du poulet, des boites de thon (au cas où je n’ai pas envie de poulet !), de la mortadelle, du fromage, des pommes, des bananes, du melon, du pain, des gâteaux. Quel festin, je suis si gâté ! Ca me fait peur tout ça, est-ce que j’ai vraiment chopé le corona et, si oui, alors ils veulent me donner tout ce que je souhaite avant de mourir ?!

Pourquoi pas ? Avant d’exécuter une personne on réalise tous ses derniers souhaits ! Ils veulent m’exécuter ? Non, je vais devenir un millionnaire. Mais il pourraient m’exécuter parce que je vais devenir un millionnaire. Arrête et regarde dans la voiture, il y a beaucoup de cartons. Il n’y a pas que toi. C’est vrai.

Où vont tous ces contaminés par le Corona. Deux singes et un gardien (expression pour dire qu’ils ne sont pas nombreux !). Reste tranquille et ne te mêle pas des affaires des autres. Oui c’est mieux (il regarde les aliments). Wallah, je ne sais pas comment je vais réussir à manger tout ça sans Om Sakher et les enfants. Les pauvres, il pourraient s’évanouir en voyant ce carton, ils vont même me supplier de les contaminer ! Je dois leur envoyer ce carton mais malheureusement je l’ai touché. Le carton est donc contaminé, plein de virus ! (Il prend une pomme) il y a certainement plein de virus dessus (il mange) mais je ne distingue pas le goût des virus. (Il mange encore) Comme ça je vais les tuer les virus sous mes dents !

La prochaine fois Om Sakher, je te laisserai un carton, si nous restons vivants.

Il allume la radio et écoute

L’ANIMATEUR RADIO

Merci pour l’expert économique et politique Fawzi Abu Moza (Moza = Banane), pour votre intervention? Nous appelons désormais une personne contaminée par le Corona pour nous parler de sa maladie, de son expérience, des mesures à entreprendre et des soins qu’il reçoit.

Le portable d’Abu Sakher, qui mange une pomme et rit, sonne

ABU SAKHER

Hahaha ils s’apPelle Abu Moza ! Dis-nous ce que nous devons faire Abu Moza !

L’ANIMATEUR RADIO

Il se peut que M. Abu Sakher n’entende pas notre appel.

ABU SAKHER

Ah, c’est moi, ils m’appellent (il répond) Allo, Allo, je suis Abu Sakher

L’ANIMATEUR RADIO

Abu Sakher, les gens veulent savoir ce que vous ressentez. Avez-vous des symptômes du Corona ?

ABU SAKHER

Comme quoi par exemple ?

L’ANIMATEUR RADIO

Eternuez-vous par exemple ?

ABU SAKHER

J’éternue depuis que je suis né. Vous voulez que j’éternue pour vous maintenant ?

L’ANIMATEUR RADIO

Ni pour moi ni pour vous. Vous ressentez un essoufflement ?

ABU SAKHER

Depuis que je suis né, je souffre d’allergie et d’essoufflement, j’ai aussi des inflammations, rien n’a changé pour moi

L’ANIMATEUR RADIO

Vous avez du mucus qui coule du nez ?

ABU SAKHER

Mon nez n’a jamais séché depuis mon enfance !

L’ANIMATEUR RADIO

Vous avez mal à la tête ?

ABU SAKHER

Une personne pauvre qui a six enfant avec lesquels il habite toute une petite maison, vous lui demandez s’il a mal à la tête ? Je ne me rappelle plus la dernière fois où je n’ai pas eu un mal de crâne. Mais franchement, depuis que ma femme est parti chez son frère, je me sens mieux. Je voudrais vraiment vous aider, mais vous posez des questions anodines. Dites-moi ce que vous voulez que je dise et je le dirai. C’est un début de chanson : Dites-moi ce que vous voulez que je dise et je le dira tatata

L’ANIMATEUR RADIO

Abu Sakher, est-ce que les responsables prennent soin de vous ?

Acte IV

Personnages

  • ABUSAKHER
  • ANIMATEUR RADIO
  • OMSAKHER

ABUSAKHER :

Il y en a beaucoup qui s’intéresse à mon cas, j’en suis étonné, ce ne sont pas leurs habitudes. Ils m’ont ramené de la nourriture et des fruits de toutes couleurs, mais pas de gants ni de masques, ils disent qu’ils n’en ont pas. En attendant, ils m’ont donné du Détol et du Chlor (eau Javel) dont je n’aime pas l’odeur. Je ne suis pas content : sans gants ni masque je me sens comme un citoyen normal.

L’ANIMATEUR RADIO :

Dernière question puis nous vous rappellerons plus tard : quel est le message que vous voulez transmettre au monde ?

ABUSAKHER :

Levez le siège, construisez la maison, mariez mon fils qui est devenu un vieil homme qui déprime, les gens ont besoin de tomates et de concombres avec un peu de reconstruction, toutes mes salutations de la part de quelqu’un d’intrigué (Il éteint le portable)

Ce sont de bonnes paroles pour une chanson ! (Il prend le Oud)

(Nous entendons la voix d’OMSAKHER qui crie depuis la rue)

OMSAKHER :

Réponds-moi, j’ai entendu que tu as reçu des coupons de toute sorte, tu as oublié ta famille ?

ABUSAKHER :

Comment vous oublier OMSAKHER, je te jure que je n’arrive pas à avaler ce que je mange sans vous, sauf que toute la nourriture est contaminée. La prochaine fois je ne touche pas le carton, tu viendras le chercher directement.

OMSAKHER :

Que des prétextes, contaminé, non contaminé ! Il faut que je te rappelle que mon frère est pauvre, que nous sommes une famille nombreuse, et que ton déconfinement n’est pas pour demain, appelle ces bénis responsables pour nous aider, j’ai entendu parler que le pays a reçu beaucoup d’aides, qu’ils nous considèrent comme des poules et nous donnent du grain. Tes enfants n’ont rien à porter, on ne peux même pas acheter des vêtements seconde main.

ABUSAKHER :

T’inquiète OMSAKHER, je suis devenu un homme important, tous les journalistes m’appellent, je vais transmettre ton message au monde à ma manière. Sois sure que je ne vous oublie jamais. Ce n’est pas moi qui quand il est riche il oublie sa femme et ses enfants ! un peu de patience.

OMSAKHER :

Je t’en ai averti, tu es libre. Je vais aller chercher de quoi faire à manger aux enfants. Alors toi, cours comme tu veux dans la maison. Tu as certainement aimé le prétexte du Corona pour te débarrasser de moi. (Elle part)

ABUSAKHER :

Courir dans la maison, c’est vrai, c’est la première fois que je ressens ce sentiment. L’histoire du Corona m’inquiète, est-ce que je suis vraiment contaminé ? Ah, j’ai mal à la tête, c’est peut être à cause du Corona, ou à cause d’OMSAKHER ?! En principe je n’avais jamais eu un mal de tête si fort. Qu’est-ce qui m’arrive ? je commence à halluciner. Halluciner ? non, je suis confiné à cause du Corona. Il se peut vraiment que j’en sois touché.

Il faut que je fasse attention, mieux que ce que je fais. Que faire alors ? A la radio, ils disent qu’il faut que je me nourrisse bien et que je prenne des calmants.

(Il reprend le téléphone portable et rappelle le dernier numéro, celui de l’animateur radio)

L’ANIMATEUR RADIO :

Quelle belle surprise, nous sommes avec ABUSAKHER à nouveau, qui veut transmettre un message, mais cette fois-ci en chantant sur le Oud

(ABUSAKHER commence à chanter)

ABUSAKHER :

Oh Om Barakat, Oh Om Barakat (baraka = bénédiction)

Nous avons besoin de grain pour les poules

Ouvre-nous ton sac

Om Barakat

J’ai vendu la veste et la chemise

Om Barakat

A cause de toi nous détestons le jeudi

Le vendredi et tous les congés

Om Barakat, la situation veut que

Les gens s’habillent avec des vêtements de deuxième main

Le fonctionnaire est endetté

Om Barakat

Il n’est ni sage ni fou

Om Barakat

Saute et ramasse tes enfants !

De Gaza et des autres pays

Om Barakat

Le mécontentement à trop duré

Changeons cette situation

Chevauchons les mains

Om Barakat,

passons à une nouvelle page

Un jeune homme moustachu sans argent

Veut émigrer en Suède

Om Barakat

L’ANIMATEUR RADIO :

Une belle chanson signifiante . Nous viendrons chez toi pour l’enregistrer puis la publier sur nos réseaux sociaux.

Une nouvelle intervention par l’expert économique et politique Mohammed Abu Farwa pour nous parler des conséquences économiques de la pandémie concernant le commerce du pétrole.

(Il éteint la radio et commente)

ABUSAKHER :

Abu Faroi expert économique et politique.

Comment il vont enregistrer ma chanson ? de loin ? à 3 mètres de moi ? là-bas derrière la fenêtre ?

Acte V

Personnages

  • ABUSAKHER

ABUSAKHER

(De la musique montre que dix jours sont passés. Abusakher est assis très concentré à côté de la radio, il change de place entre la chaise, la cuisine, le lit, etc. à laisser au metteur en scène. La musique s’arrête. Il se dirige vers la cage qui contient son oiseau et lui parle).

Je suis très ennuyé, cela fait dix jours que je suis dans cette situation, c’est de ta faute Sobhia, tu avais insisté pour me rendre visite alors que tout le monde interdisait les visites et les embrassades. Depuis cette consigne, les gens ont augmenté les visites et les salutations, c’est comme d’habitude, on ne fait que le contraire. Si un lieu est bombardé et que la sécurité interdit le rassemblement, il y a tout le monde qui y va pour observer. Si la municipalité prévient de ne pas aller à la mer à cause de la pollution, les gens s’y jette nombreux.

Je veux en finir, il reste quatre jours pour qu’ils viennent me faire une nouvelle analyse. Je m’ennuie, toi aussi d’ailleurs (il parle à l’oiseau). N’aie pas peur, je ne vais pas te contaminer. Ils disent que le porteur du virus peut contaminer les chats, mais ces derniers ne seront pas malades. Les chats peuvent contaminer les uns et les autres, ça c’est sur. (Il parle toujours à l’oiseau) De toute façon si tu es contaminé, il y aura des symptômes. C’est ce que j’ai entendu aux infos. Durant cette période j’ai écouté les informations plus ce que je ne les ai jamais écoutées dans ma vie en attendant qu’ils trouvent un médicament pour cette maladie.

Chaque jour ils racontent une nouvelle histoire : le virus peut contaminer à une distance d’un mètre, puis à trois mètres, il adhère aux surfaces, il est transmissible dans l’air, pour y remédier, il faut prendre le plasma de quelqu’un qui était déjà atteint, une sorte de vaccin. Trump dit que le meilleur médicament est la chloroquine. D’autres disent qu’il faut boire de l’anis, du cumin et du citron. Vous me rendez fou.

Passons au pétrole dont le prix est passé à zéro en bourse, il faut que tu comprennes Abusakher comment le prix du transport devient supérieur au prix du produit. Comment les petits investisseurs se ruinent. Comment Trump menace l’Arabie Saoudite et la Russie, qui seront obligées d’arrêter d’exporter du pétrole, alors qu’au départ il en était satisfait car la baisse du prix soutenait sa campagne électorale.

Ensuite la guerre froide ou chaude entre les États-Unis et la Chine. On dit que la Chine ne communique pas au monde certaines informations médicales et qu’elle est alliée à l’Organisation mondiale de la santé. Ainsi, Trump a arrêté de soutenir l’organisation. L’Italie reproche aux autres pays ne pas l’avoir aidée. La Suède s’en fout catégoriquement du Corona. (Il s’adresse à lui-même) : Oh Abu Sakher, tu es devenu expert en politique, en économie et en médecine, tu comprends mieux que ceux qui parlent sur les chaines, on dit nous avons invité l’expert économique et politique Abu Moza, ce titre te va mieux !

Il se peut qu’il te faille un diplôme pour recevoir ce titre. De toute façon qui va chercher ?

Si tu fais une intervention, l’animateur radio ne te demandera pas de montrer ton diplôme.

Tout le monde est devenu docteur dans ce pays, tout le monde comprend tout et fait tout.

Personne ne pose des questions : telle personne est experte en phytothérapie, telle personne est passée de l’agriculture à la presse et telle personne est passée de la perte à la radio. Il est même devenu un leader. Une anarchie totale. Les gens croient et s’habituent facilement.

Donc c’est ta chance Abusakher, le vent n’enlève rien au carrelage (citation), tu as toujours été pauvre, mets ta tête entre les têtes et fonce (citation).  Celui qui a un cœur fragile ne peut vivre (citation). Les aventureux vivent avec les plaisirs, les peureux meurent avec les regrets (citation)

Oh Abusakher, qui peut dire des citations successives comme tu viens de le faire ? oh c’est grâce au Corona !

(Son téléphone sonne, il regarde le numéro)

Ah c’est l’animateur radio, Allo, je suis AbuSakher, l’expert en Corona et en sciences politiques, Abusakher quoi ? (il revisite sa mémoire), Abumoza, Abufaroi, non, c’est Abusakher Abulifa (Éponge pour laver le corps) pour nettoyer tout le temps, dites-moi, posez-moi des questions sur le monde ou sur les changements économiques à cause du virus, vous voulez écouter la chanson Om Barakat ? Non, je ne chante plus, on ne gagne rien avec les chansons, les chanteurs souffrent de l’injustice dans ce pays. Moi, je veux devenir expert économique et politique, ils sont tous bien habillés, il paraît qu’ils sont financièrement à l’aise, mais chanter, non ! (Il raccroche).

C’est bien ça, ils ne m’appellent que pour chanter, ils ne me demandent même pas si je vais mieux, ils ont peut-être des informations disant je ne suis pas contaminé ? Ils ne veulent plus me payer l’argent de l’aide qui m’est consacrée ? (il rit) Qu’est-ce qu’ils vont te payer, au meilleur des cas tu auras 100 dollars, qui a dit dix millions (il continue à rire).

Aussi, je ne veux pas recevoir mon beau frère de peur qu’il soit contaminé et de peur qu’il partage l’argent avec moi hahaha.

Je me suis inscrit dans tous les registres d’aide à la personne et personne n’a répondu, personne ne me connaît…

Acte VI

Personnages

    • ABU SAKHER

ABUSAKHER

Que font Om Sakher et les enfants, comment couvrent-ils leurs dépenses. Les pays sérieux ont payé des aides financières aux les gens touchés par le Corona. A Gaza les gens souffrent depuis longtemps, la situation n’a fait que s’aggraver avec le Corona. Depuis notre création, nous passons d’une catastrophe à l’autre. Notre joue est habituée aux gifles (Citation)

Om Sakher et les enfants me manquent, j’ai envie de les serrer dans mes bras. Tout me manque : leurs bruits, leurs courses dans la maison, notre rencontre matinale autour d’une assiette de Hommos et de Foul. La maison est ruinée comme s’il n’y a personne depuis mille ans. Aucun bruit.

Pourquoi as-tu laissé le cheval seul ? Pour garder un souffle dans la maison, car si les habitants partent, les maisons meurent. Eh oui, tu as raison Darwich.

Je ne supporte plus, vaut mieux mourir. Je voudrais sortir retrouver ma femme et mes enfants, marcher dans la rue, aller à la mer jouer du Oud, respirer de l’air propre. J’ai envie de manger des Falafels, de rencontrer et des saluer des gens. Oui saluer et embrasser. Je ne crois plus au Corona, si je suis contaminé je l’aurai su, ça fait deux semaines sans symptômes.

Mourir vaut mieux que cette isolation. Il faut que je sorte. Le Corona n’est pas plus difficile que le siège. La liberté est la chose la plus chère au monde.

Au départ j’étais content, je pensais que j’allais gagner de l’argent, mais en fin de compte, tout l’argent du monde ne vaut pas une promenade sur la plage avec ma femme et mes enfants pour manger du maïs. Allez, il faut que je sorte. (Il se lève pour changer le pyjama puis s’arrête)

Il y a deux semaines, quelqu’un est sorti du confinement, c’est devenu comme le scandale de Bani Hilal : ils ont publié sa photo et son nom dans tous les médias, et en fin, ils l’ont trouvé et ramené au confinement à nouveau. Je ne veux pas qu’ils fassent la même chose avec moi. J’irai en secret. Mais non, mes enfants ne voudraient pas me rencontrer à peur de se contaminer. Ce n’est pas vrai, les enfants ne feront pas ça. Qu’est-ce qui m’arrive, je deviens fou, je vais contaminer toute ma famille.

Mais non, tu n’es pas touché par le Coronavirus, je pense que personne n’est contaminé dans Gaza.

Il faut que le confinement soit officiellement levé. Sinon, si je sors, les gens dans la rue vont s’enfuir jusqu’à la fin de du monde !

Oh mon Dieu, ce Coronavirus a obligé tout le monde à rester chez lui : Le ministre comme le gardien, les chefs d’États, les rois, les gens simples, tout le monde est confiné et terrifié. Le Coronavirus est devenu le roi du monde, il est plus fort que les armées, il a obligé les gens à rester chez eux. C’est la première fois que je ressens le sens de l’égalité : nous étions les seuls sous le siège, aujourd’hui tout le monde est de même. Il se peut qu’ils ressentent ce que nous ressentons et pensent à lever le siège qui nous est imposé.

Le monde changera-t-il après le Corona ? Oui ou non, ce dont je suis certain est que moi j’ai changé. J’ai compris beaucoup de choses, j’ai compris qu’un moment de liberté vaut tout l’argent du monde, j’ai compris que les choses qui te font mal aujourd’hui peuvent t’apporter du bonheur demain, j’ai compris que le monde entier avec sa civilisation est plus faible qu’un virus, enfin j’ai compris que notre vie peut changer en une minute.

(Le téléphone sonne, son fils à l’appareil)

C’est mon fils, Allo, ça va ? Quelqu’un a mal ? quoi ? je ne comprends rien, Youtube, Trend, qu’est-ce que ça veut dire ? Oh, Ma chanson Om Barakat a remporté des millions de vues, tout le monde l’a écouté. Tu m’as créé une chaine sur Youtube, je ne comprends rien. Les gérants de Youtube ont demandé mon numéro de compte pour me transférer 50 milles dollars. C’est vrai ? je suis devenu riche ? J’ai 50 milles dollars ? Tout au long de ma vie, je n’ai jamais touché mille dollars avec mes mains ! Quoi ? Ta tante Sobhia a appelé et dit que le résultat d’analyses faites à la personne qui était soupçonné d’être contaminée par le Corona, que ma tante avait fréquentée, est négatif. Plus de confinement, ils vont m’appeler pour m’en informer.

Ah préparez-vous, je vais vous prendre dans mes bras !

La vie te sourit Abusakher, ta vie a changé en une seconde.

Je vais chanter et jouer du Oud !

(Le téléphone sonne)

La sécurité médicale ? (Avec une voix heureuse) Oui, j’ai su, Sobhia en a informé ma femme, merci, au revoir ! (il raccroche)

Je suis enfin libre. Non je ne suis pas libre, il faut que le monde entier soit libre. Même cet oiseau. (Il va vers la cage de l’oiseau et le libère) Ah, ils se sont moqués de toi Abusakher et t’ont obligé à observer le confinement. Ce sont des belles paroles pour une nouvelle chanson ! Allez, je vais composer la mélodie. (Il sort de la maison)

Fin

Ali Abu Yassine